Capture d’écran 2015-01-13 à 23.37.34Au début du XIVème siècle, les Sires de FAUCOGNEY issus de la branche cadette devinrent Seigneurs et Possesseurs de la Terre de Saint-Loup.

 

Aussitôt, OTHENIN de Saint-Loup, fils de Jean de FAUCOGNEY et d’Helvis de JOINVILLE, prétendit alors avoir la gardienneté du Prieuré de FONTAINE.

 

Les religieux Bénédictins repoussèrent fermement ses prétentions. Dans sa colère, aidé de son frère Hugues OTHENIN s’empara de leurs métairies et des « châteaux » dépendants de FONTAINE. Il pilla leurs maisons et pourchassa les habitants.

 

Une longue bande de parchemin assez difficile à déchiffrer énumère tous les griefs accumulés entre eux de 1302 à 1316. Il faut les mentionner dans leur totalité car ils nous dépeignent parfaitement ce que pouvaient être les guérillas de l’époque et l’insécurité de ce temps mouvementé.

 

La nuit de la Saint Martin d’hiver de l’An 1302, les gens d’Hugues de SAINT-LOUP vinrent en nombre à FONTAINE. Ils y prirent dix bœufs, quatre vaches, une jument et six porcs.

 

Une semaine plus tard, ils se saisirent à ANJEUX de Thierry de BOULIGNEY, homme du Roi et du Prieur, de sa mère et de son frère pour les enfermer dans la prison du Château de SAINT-LOUP. Malgré de nombreuses interventions, ils ne les relâchèrent qu’après de nouvelles démarches à BOULIGNEY.

 

Ils s’attaquèrent ensuite au Sergent du Roi et du Prieur FLEUREY, forgeron à CORBENAY et le malmenèrent si vilainement par l’épée que onze semaines après les plaies qui lui furent faites, il en demeurait tout affolé.

 

Le mardi précédent la fête de la Pentecôte de l’année 1303, Hugues de SAINT-LOUP revint à grand renfort de gens armés à cheval et à pied pour attaquer le Prieuré de FONTAINE. Ils en brisèrent la forteresse, les palissades et la porte d’entrée. Ils firent semblant de pénétrer dans le cloître, mais ne le purent pas car l’issue était barrée. Ils capturèrent cette fois une femme seulement et emmenèrent un homme du village prisonnier.

 

Le mercredi suivant les Seigneurs de SAINT-LOUP « mandèrent » (convoquèrent par messagers) les hommes de FONTAINE, MAILLERONCOURT et BETONCOURT. Ils devaient être emprisonnés. A la fin de la semaine, ils firent enlever les troupeaux dans ces deux derniers villages. Et ceux de CORBENAY subirent le même sort le mercredi de la Pentecôte.

 

Le jour de l’An 1304, OTHENIN et HUGUES de SAINT-LOUP accoururent de nouveau devant le cloître de FONTAINE ainsi que le Prévôt MATHIEU, pour insulter le Prieur Pierre DE LORIANS et le menacer avec violence.

 

Le vendredi de Pâques, ils lui prirent trente bœufs et vaches, tant à FONTAINE qu’à MAILLERONCOURT.
Le mardi avant la Saint Luc (18 octobre) ils y revinrent, volèrent la charrue du Prieur, blessèrent ses hommes d’épées et de dards et ils emmenèrent tous ses porcs.

 

En 1304, ce furent les blés et les rentes du Prieur (qui étaient saisis à HURECOURT. Frère ETIENNE, moine convers à FONTAINE était cruellement battu…. »

 

A défaut d’incursions armées et de vols, les Seigneurs de Saint-Loup employèrent d’autres moyens pour se retourner contre le Prieur. Ainsi levèrent-ils les tailles (impôts prélevés sur les roturiers, parce qu’ils ne pratiquaient par le métier des armes) à Fontaine, Mailleroncourt et Betoncourt où seul le Roi et le Prieur avaient le droit de le faire. Ils agissent de même pour les amendes et les dimes appelées « tierces » en charme de Corbenay. Les gens de Saint-Loup vinrent y labourer sans permission et sans verser de rente au Prieur.

 

Ils coupèrent aussi du bois, firent paître et cueillir des glands dans les forêts du Prieur. Ils osèrent encore pécher en amont de la rivière d’Augronne qui était bien du Prieur.

 

Les mêmes désordres devaient se produire une quinzaine d’années car Jean de Saint-Loup, fils d’Othenin devait s’adjoindre à ses devanciers avec autant d’ardeur, sinon plus.

 

En 1308, le Prieuré de Fontaine constituait une seigneurie assez considérable et, comme il fallait s’y attendre, ses propriétaires attiraient les convoitises.

 

Que firent alors les moines de Fontaine pour se défendre contre toutes les incursions et toutes ces rapines ?

 

Une lettre datée du 27 septembre 1307 nous apprend que sur leurs plaintes, le Roi de France, Philippe le Bel, après avoir envoyé Guillaume de Noharet, un légiste à son service, contre Hugues , fit comparaître Othenin de Saint-Loup à Coiffy-le-haut en présence de Thiébaud de Faucogney, abbé de Luxeuil, du frère Etienne, (sans doute la victime) et du Prieur de Fontaine Pierre De Larians qui sera excommunié en mars 1313 sans que nous en sachions la raison.

 

Othenin et Hugues furent condamnés à rendre tout ce qu’ils avaient pris depuis 1300 et à verser aux sujets lésés de l’abbaye de Luxeuil une somme de 700 livres. Au cas où ils ne se soumettraient pas à ce verdict, ils seraient tenus à une amende de 1000 pièces d’argent à répartir par moitié au Roi et moitié à Luxeuil.

 

Pour s’arranger enfin, un accord fut conclu en 1313 entre l’abbé de Luxeuil, le Prieur de Fontaine et les Seigneurs de Saint-Loup, Othevin et Jean.

 

Les archives de la Haute-Saône en conservent une copie. Il sera intéressant d’y jeter un coup d’œil et de voir ce qui avait été décidé entre eux…

 

Après l’exposé des revendications de chaque partie, en présence d’ANCEL DE JOINVILLE, Sire de RIGNEL, de Jean de FAUCOGNEY et AYME, Sire de Ray, du Seigneur de BAUFREMONT, grand doyen de Besançon et du clerc eu roi de NAVARRE, Maître Simon AUBERT, le Bailli de CHAUMONT, Pierre de TIERCELIN tira les conclusions suivantes que tous s’engagèrent à respecter, hélas pour peu de temps, toute la partie des finages de FONTAINE, MAILLERONCOURT, BETONCOURT, demeurait au Prieur et à ses successeurs qui pourrait y lever des amendes ou les acquitter selon l’usage de BOURGOGNE.

 

Le Prieur, en plus, pouvait lever la taille dite « commuable » sur les habitants de FONTAINE, comme à l’accoutumée, mais celle-ci serait de trois à quatre deniers.

 

Le Prieur gardait également totale seigneurie sur ces villages pour en tirer profits et émoluments ainsi que des bois et rivières, toutes les épaves lui reviendraient après le départ des propriétaires.

 

Le Prieur était tenu de placer dans les bois des portiers (gardes forestiers) pour trois années consécutives mais ne devait en aucune façon opérer des ventes nuisibles aux habitants.

 

Chaque fois qu’il leur plairait, le Prieur et ses religieux pouvaient exiger des habitants de ces finages le service d’ost (militaire) et de la chevalerie pour défendre les droits de leur église prieurale sauf contre les Seigneurs de SAINT- LOUP. En cas de nécessité, le Prieur pouvait obtenir des mêmes habitants les corvées de faux, faucilles, fourches et râteaux, ainsi que toutes celles de bras, charrues, bêtes et charrois…. mais il ne toucherait seulement que la moitié des amendes établies aux plaids généraux à MAILLERONCOURT.

 

Enfin, les gens de Saint-Loup pouvaient cultiver dans le finage de FONTAINE moyennant le paiement de la tierce et de la moitié de la dîme. Ils pouvaient aussi, mais avec la permission du Prieur, essarter (débroussailler) dans ses forêts et y conduire leurs bêtes pour la vaine pâture. Mais les habitants de Fontaine étaient tenus de verser aux Seigneurs de SAINT-LOUP les « gestes » (taxes à la portée) de leurs chiens, comme cela se fera encore en 1385.

 

De son côté, le Duc de Bourgogne, OHTON IV s’efforça également, la même année d’établir l’appointement du Prieur et de la Seigneurie de SAINT LOUP au sujet de la partie de FONTAINE.

 

Cependant, quelques mois après, en 1314, à la mort de l’Abbé de LUXEUIL, Etienne II, successeur de THIEBAUD après une vacance de cinq ans, celle du Pape Clément V et du Roi PHILIPPE LE BEL, les ennemis de l’abbaye redressèrent la tête. A nouveau, ils s’acharnèrent contre elle et le Prieuré de FONTAINE, notamment Jean de SAINT LOUP.

 

Il entra violemment dans notre monastère, le pilla et amena nombre d’habitants du village en captivité sous prétexte que LUXEUIL ne lui payait pas ce qui lui était dû !

 

Il fit, en outre, capturer BENOIT de CORBENAY, pêcheur du Prieur en la rivière du dit lieu et le maintient vingt jours en prison au fond de sa tour de Saint-Loup.

 

Puis les gens de Saint-Loup en armes vinrent à nouveau au Finage de Fontaine, dans les près du prieuré, la semaine avant la fête de Sainte Madeleine (22 juillet), ils prirent et menèrent de force à Saint-Loup ses chars tous chargés de foin avec leurs bœufs qu’ils ne rendirent jamais, blessèrent grièvement les bouviers, les faneuses, et les battirent si fort qu’ils brisèrent l’une d’entre elles.

 

Ils se saisirent aussi de PRENEL, sergent du Roi et du Prieur de Fontaine et le conduisirent à Saint- Loup après l’avoir molesté. Ils volèrent également douze coutres de charrue.

 

Enfin, malgré l’accord de 1313, JEAN DE SAINT-LOUP, permit à ses gens sans autorisation du Prieur, de couper du bois dans les forêts de Fontaine et de labourer dans les terres de finage. Il s’empara aussi des tierces et des dîmes auxquelles il n’avait pas droit.

 

Le 15 août 1314, le bailli de CHAUMONT, Pierre de TIERCELIN, chevalier, fut saisi des griefs qui existaient à nouveau entre OTHENIN, les Seigneurs de SAINT-LOUP et JEAN HUGUES (peut-être décédé, ne paraissant plus dans les actes) et le prieuré de Fontaine.

 

Le 12 décembre 1314, LOUIS X le HUTIN, fils de PHILIPPE LE BEL, à qui ces griefs étaient parvenus demanda au bailli de CHAUMONT de les punir vertement et de les obliger à restituer à l’Abbaye de Luxeuil tout ce qu’ils avaient pris.

 

On constate à travers tous ces actes, comme tous ceux qui suivront, combien Fontaine dépendait encore étroitement de l’Abbaye de Luxeuil.

 

En 1316, OTHENIN, s’efforça de reprendre, malgré tout la garde du Prieuré de Fontaine. Quant à son fils JEAN nous le verrons plaider en 1319 contre les hommes d’HAUTEVELLE, parce qu’ils empêchaient les gens de paître leurs bêtes dans certains pâturages de Saint-Loup et de Fontaine. Pour en finir, car ces troubles demeuraient latents, l’Abbé EUDES de CHERENTON, successeur d’ETIENNE II porta plainte une nouvelle fois auprès du roi PHILIPPE V LE LONG qui avait succédé à son frère PHILIPPE LE HUTIN ainsi qu’auprès du pape JEAN XXII en résidence à Avignon.

 

Le roi était bien disposé envers le Bourguignon car il avait épousé JEANNE fille D’OTHON de BOURGOGNE, l’ordonnance de restitution est daté de Joinville le 08 novembre 1319.

 

Abbé Jean-Baptiste NOEL